Petite histoire du testament de Jacques TOURVIEILLE,  10 août 1629

 

 

Préambule

 

            En 1627 le cardinal de RICHELIEU estime que la puissance des places fortes accordées aux Protestants après l’Edit de Nantes porte atteinte à la souveraineté du roi de France. Il décide de réduire la puissance du parti protestant en reprenant ces places fortes. Il s’attaque d’abord à la ville de La Rochelle qui reçoit une aide importante de l’Angleterre.

 

 

 

 

Ne pouvant prendre la ville, Richelieu en fait le siège à partir du 10 août 1627. Le siège dure 14 mois. La ville capitule le 28 octobre 1628. Des 15000 défenseurs de la ville, il ne reste que 145 hommes valides. La ville est un immense charnier que Richelieu fait nettoyer. Richelieu envoie ses troupes ensuite vers les places fortes protestantes du sud de la France. La première est Privas en Ardèche dont le siège commence le 15 mai 1629.

 

 

 

 

 

 

 

 

L’armée royale est forte de vingt mille hommes. Richelieu et le roi Louis XIII sont sur place. L’assaut de la ville est donné le 26 mai, en 3 jours la ville est prise et mise à sac. La population est massacrée, les survivants sont envoyés aux galères. A la nouvelle de cette reddition les autres places fortes du Vivarais font leur soumission. L’armée royale descend vers Alès en passant par Vallon Pont d’Arc et à proximité de  LARGENTIERE. La paix est signée le 26 juin 1629 à Alès.

 

 

 

           

 

     L’armée royale, contaminée par l’immense charnier de la Rochelle, a amené la peste en Ardèche. Les déplacements des troupes, après le siège de Privas, vont répandre la maladie dans tout le département. L’épidémie va durer épisodiquement pendant 3 ans. En juillet et août 1629 la ville de Largentière est atteinte et la population en partie décimée. Les survivants fuient la ville qui sera complètement déserte jusqu’en janvier 1630.

 

Jacques TOURVIEILLE, le meunier de Largentière

 

            En 1629,  Jacques TOURVIEILLE est meunier à LARGENTIERE. Son moulin se trouve en dehors de la ville, mais proche de celle-ci, sur la rivière le ROUBREAU qui sépare  MONTREAL de LARGENTIERE.

Devant l’ampleur de l’épidémie et le risque de contracter la maladie,  Jacques décide de mettre en ordre ses biens en ce bas monde.  Pour préparer sa succession, il cherche à rencontrer le notaire de famille installé à SANILHAC, commune qui a échappé à l’épidémie. SANILHAC est séparé de Largentière par le cours de la rivière le Roubreau qui semble avoir arrêté l’épidémie. Le notaire et les témoins qui habitent sur le côté sain de la rivière  n’ont pas très envie de rencontrer quelqu’un  qui est suspecté d’avoir peut-être contracté la maladie.

Un arrangement est trouvé. La rencontre de Jacques et de son notaire se fait le matin du 10 août 1629.

 

Le notaire nous décrit la scène : La rencontre se déroule au lieu-dit Le PLANÇON, là où un chemin franchit la rivière par un gué. Ce sentier vient du hameau de LAVAL où habite le notaire. Jacques est sur une rive de la rivière, il est juché sur un rocher. Le notaire et les témoins se trouvent sur l’autre rive. Ils sont sous le noyer qui appartient à Messire David JEAN. Jacques va dicter son testament par dessus la rivière. S’il n’y avait la mort qui rôde dans les environs et l’angoisse des participants, la scène pourrait paraître cocasse.

 

 

 

 

Aujourd’hui le lieu est parfaitement défini. Le Plançon figure sur les cartes de l’IGN. Le chemin, le gué, et les rochers sont toujours là. Le noyer de Messire JEAN ne nous est pas parvenu. L’endroit est reculé et paisible.

 

 

 

 

Dans son testament Jacques TOURVIEILLE lègue une partie de ses biens à ses frères et sœurs. Parmi les frères de Jacques se trouve Pierre, un autre meunier dont le moulin est situé au lieu-dit La Jugerie sur l’Ardèche à MEYRAS ( environ 30 km).

            Nous ne savons pas ce que Jacques devient après ce testament. A-t-il contracté la maladie ? En est-il décédé ou a t-il survécu ? On ne retrouve aucun document sur Jacques. En 1645 son frère Pierre TOURVIEILLE rédige à son tour son testament. Dans ce document Pierre cite ses frères et sœurs encore de ce monde; Jacques n'y figure pas.

 

Le testament de Jacques

 

Le testament de Jacques est un beau document ancien, bien écrit, mais d’une écriture archaïque.

 

 

 

 

 

Voici une copie du texte de la première page, avec l’orthographe, le vocabulaire de l’époque et les ratures du notaire :

 

Testament de Jacques Tourvieille du lieu de Leyval parroisse de Rocles

 

 

L’an mil six centz vingt neuf et le dixiesme jour du mois d’aoust avand midy, tres chrestien  prince Loys (1) par la grace de dieu Roy de France et de Navarre reignant  par-devant moy notaire royal soubsigné et tesmoins bas nommés estably en personne Jacques TOURVIEILLE, fils a feu Jacques natif du lieu de Les Vals parroisse de Rocles en Viverois meusnier vivant le Molin que le seigneur  de Montréal a a Largentière lequel ayant aulcunement fréquenté la ville dudit Argentière  à cause du  pour le souin dudit Molin et nonobstant le soubson de contagion qui y est despuis six ou sept sepmaines, l’ayant même, presque tous les habitants quicté et abandonné à cause de ce icelle (2) ville et craignant d’être surprins de mort subite comme il en est arrivé à prou ( 3) d’aultres, auroit rezolleu à l’advance de disposer des biens que dieu lui a donnés et d’aultant qu’à cause de ladite fréquentation il est soubconné d’infection et n’oze fréquenter les personnes et lieux sains m’auroit mandé  requérir (4) pour recepvoir sa desposition au présent lieu du PLANSON ( prés de Joannas )/ Et s’estant il placé sur ung rocher quy est vis à vis dudit lieu sur la revière de  Robrieu ( 5) du cousté de Sanilhac proche le chemin descendant de Laval / De là par une intelligible voix m’auroit faict mande ( ?) et aux tesmoins bas nommés estant au desca ( = au deçà) de ladite rivière du cousté de Joannas sous le noyer des hoirs (6) de Mre David Jean  ses intentions et volontés / Et premièrement auroit faict le signe de la sainte Croix recommandé son âme à dieu pour la récepvoir  et luy pardonner ses péchés…..

            ….. Item a donné et légué à autre Estienne TOURVIEILLE son aultre frère le plus vieilx (7) la  somme de trente livres et à Pierre TOURVIEILLE son aultre frère habitant à Meyras dix livres qu’il lui veult leur estre payée après son descès…….

 

 

(1)            Il s’agit de Louis XIII

(2)            Cette

(3)            Beaucoup

(4)            Envoyé chercher

(5)            Actuellement le Roubreau

(6)            De l’héritage de Me David Jean

(7)            Jacques a deux frères qui s’appellent Etienne, situation assez fréquente dans le passé. Pour les différencier, on parle de Etienne le jeune ou Etienne le vieux

 

        Référence aux Archives départementales de l'Ardèche: 2 E ML 133
 
Dans la généalogie présente sur ce site on trouve notre meunier, Jacques TOURVIEILLE, fils de Jacques et Anne DUSSERRE.
 
 
 
 Alain TOURVIEILLE. Septembre 2005      

 

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